In memoriam...
Le mardi 20 février de l’an de grâce 1912 après Jésus-Christ, au 25 de la Place des Études (dédicace notariale ou scolaire, à tous égards prédestinée pour une future vie d’écrivain à sa table de travail...) « à trois heures du soir » indique l’état civil, dans un tranquille et joli quartier de la cité première du Comtat Vénaissin, un fils est donné à Maître Eugène Boulle par son épouse, jolie maman de 29 ans, Thérèse, fille du célèbre imprimeur félibréen François Seguin.
Le mardi 20 février de l’an de grâce 1912 après Jésus-Christ, au 25 de la Place des Études (dédicace notariale ou scolaire, à tous égards prédestinée pour une future vie d’écrivain à sa table de travail...) « à trois heures du soir » indique l’état civil, dans un tranquille et joli quartier de la cité première du Comtat Vénaissin, un fils est donné à Maître Eugène Boulle par son épouse, jolie maman de 29 ans, Thérèse, fille du célèbre imprimeur félibréen François Seguin.
Tout s’est bien passé dans la maison familiale en grand émoi. Les bressarellas (berceuses en provençal) se fredonnent tendrement autour du nouveau-né. Pierre, se nomme l’enfant : souvenir subliminal des pontifes romains réfugiés un temps en ces saintes terres pour y préserver la transmission filiale du chef des apôtres ?... Trois autres saints protecteurs lui sont conférés avec les prénoms complémentaires de François, Marie, Louis. Petit frère de Suzanne - Madeleine le suivra plus tard - le « porte nom » de la famille ré- jouit tant les cœurs de la maisonnée... !
Après les grands froids du début de ce mois dans toute la France, le pont d’Avignon en ses arches mythiques, ne saurait encore rêver de la rivière Kwaï... Le Rhône impavide et puissant relie dans la paix du commerce, des peuples et des terres, Germanie et Méditerranée. Le Président Raymond Poincaré préside aux destinées du pays depuis près d’un mois. Tout apparaît paisible à l’horizon du Monde, enfin... Enfin presque...
La cloche de Notre-Dame-des-Doms égrène les heures pieuses. Un grand cierge y brûle en la vesprée de ce jour d’action de grâce : Maître Boulle a pris soin, dans sa joie et sa fierté, d’en marquer rituellement le discret mais fervent hommage à la Bonne Mère...
Cent cinq ans déjà... Dans l’art et la science de la guématrie*, 105 est le nombre symbolique du pardon. C’est aussi la somme des chiffres de un à qua- torze : il représente la délivrance de l'âme inquiète. C'est la gloire de la résur- rection après l'épreuve. Pierre Boulle, dans sa vertueuse modestie, sceau des grandes âmes, aura tant donné sans grandement recevoir encore à l’aune de son apport à l’édifice de l’intelligence des lettres, sciences et philosophie. Il en aura pardonné la légèreté des fats, l’insouciance des décervelés... L’Histoire grave dans le marbre les noms de ceux qui triomphent d’un oubli meurtrier à l’épreuve d’un centenaire. Voici cinq ans que le cap de résis- tance mémorielle est passé. Le génie de Pierre Boulle fut une évidence au XXème siècle : il ouvre désormais sur un gisement fécond et lumineux qui doit entrer au patrimoine inaltérable de la France et de l’Humanité en ce jeune XXIème siècle.
Aussi, l’aberration d’une affligeante inculture allant jusqu’à faire souvent de lui, un auteur américain, est-il l’heure pour notre pays singulièrement oublieux ces temps-ci de tout ce qui fait son hon- neur, de s’en souvenir, et de rendre à Pierre Boulle l’hommage de la gratitude de sa langue natale admirablement servie dans son écriture, libérant la haute valeur de ses créations littéraires et philosophiques, dans la belle intelligence de son enracinement français et de ses visions d’inquiétude métaphysique universelle, dialoguant noblement avec l’enthousiasme justifié des États- Unis. Le 20 février 2017, une messe d’action de grâce sera célébrée en l’honneur de Pierre et de toute sa famille, dont en particulier, Ca- roline Loriot-Boulle et sa maman, en la basilique pontificale de Sainte-Anne d’Auray (Morbihan). Ceux qui le désirent pourront y communier en intention de prière.
Jean Loriot