Suranné, l'adage "Nul n'est prophète en son pays" ? Euh, ben pas vraiment en fait. La preuve avec le romancier avignonnais Pierre Boulle (1912-1994), dont le nom seul n'évoque pas grand-chose à pas grand monde dans la cité des papes. Et ailleurs ,d'ailleurs. Pourtant, le 21 février prochain, on célébrera le centième anniversaire de la naissance de cet auteur, venu à l'écriture sur le tard (38 ans), et qui inspira deux des plus grands réalisateurs de l'Histoire du cinéma : l'Américain Tim Burton, qui signa l'une des sept adaptations de son roman "La planète des singes" (1963) et l'Anglais David Lean, qui adapta l'autre livre-phare de Pierre Boulle, "Le pont de la rivière Kwaï" (1952).
Perdu dans le cimetière
Hier matin, sous quelques flocons désuets, dans le carré 1 du cimetière Saint-Véran d'Avignon. C'est là qu'en novembre 2002, ont été transférées dans un quasi-anonymat, et depuis le Père Lachaise (Paris), les cendres de Pierre Boulle. Elles ont trouvé refuge dans le caveau familial, on ne peut plus impersonnel. "C'était triste, il y avait trois personnes seulement. Ce monsieur n'est pas reconnu comme il le devrait", témoigne un employé municipal. L'empreinte de Pierre Boulle s'arrêterait-elle à quelques plaques apposées avec solennité sur des façades, comme celle qui orne sa maison natale place des Études ? Toujours est-il qu'à la bibliothèque Pierre-Boulle (inaugurée en 1994), située extra-muros, on ne trouve, à disposition immédiate du public, que sept des vingt-quatre romans qu'a fait paraître l'écrivain ! "Absentez-vous un peu et vous n'êtes plus rien" disait André Gide. Du côté des Archives municipales, Sylvestre Clap, son très érudit directeur, ne peut que le constater : "On a très peu de documents écrits de lui, pas plus de photos exploitables non plus".
Pénurie de documents
Boulle serait-il un boulet pour Avignon ? Naïvement, on se dit qu'à côté de Mireille Mathieu et Jean Alesi, la Ville aurait tant à gagner à faire fructifier une telle présence. "Il y a plusieurs problèmes, pense François Maynègre, qui, en avril, tiendra une conférence sur l'écrivain à l'École d'art, sous l'égide de l'Académie de Vaucluse . Pierre Boulle était très discret, il a quitté Avignon à la fin de l'adolescence. Plus tard, dans ses interviews, il rechignait à parler de lui. Pour ma conférence, on voulait diffuser des diapos mais on ne le fera pas : il n'y a pas assez d'images de lui."
Énigmatique Pierre Boulle. Dont on imagine très bien que les jeunes Avignonnais d'aujourd'hui le regardent , interloqués et dubitatifs, comme les créatures observent ces drôles d'humains dans "La planète des singes".